Aujourd’hui, jeudi 15 mars 2018, la communauté Emmaüs Nièvre a rendu un dernier hommage à l’un de ses compagnons, Roger AUTIN, survenu le 8 mars 2018 sur le site de Magny-Cours où il résidait depuis le mois d’août 2017 ; il était âgé de 62 ans.
Ses obsèques religieuses se sont déroulées à 15h30 en l’Eglise de Magny-Cours ;
L’inhumation a eu lieu au cimetière de Magny-Cours à 16h30.
Nous n’oublierons ni sa disponibilité ni sa jovialité.
Au revoir Roger
Au lendemain des obseques, la communauté a reçu ce message de la part de Camille, la fille de Roger
« Un énorme remerciement à la communauté pour son soutien et cette merveilleuse chaleur humaine que vous m’avez apporté pour mon papa.
MERCI »
——————
Texte de Loïc Legoff (ancien responsable de la communauté)
Roger,
Depuis quelques jours,
Il s’est fait un grand silence.
Là-bas, à la communauté,
Dans les ateliers, au réfectoire, au bric à brac
Ne résonne plus ta voix.
On ne t’entend plus interpeller, commenter, raconter.
Il n’y a plus cette gouaille qui était la tienne
qui était ta marque de fabrique,
Ton ADN, ton identité, ta manière d’être.
Car, Roger,
Tu étais d’abord une voix
On t’entendait avant de te voir
On te savait là avant même de t’avoir aperçu.
Tu marquais ta présence par les mots
Tu parlais fort.
Tu avais toujours une histoire à raconter,
un avis à donner
ou, pire..une invective à décocher
Roger,
Depuis quelques jours
Il s’est fait un grand silence
Comme s’était fait un grand silence
Quand, dans cette même église,
on avait accompagné une dernière fois les Jean, les Bouboule, les Jules
Comme s’était fait un grand silence sous la neige
Quand on a mis en terre Hamed le dernier compagnon mort à la communauté
Jean, Bouboule, Jules, Hamed, tous les autres et toi, maintenant
Grandes gueules et grands cœurs
Tu étais de ceux là
De ces anciens compagnons dont les rangs maintenant se sont clairsemés
Tu étais de ceux qui arrivaient à la communauté avec une histoire à oublier ou à assumer
Une histoire faite souvent d’échecs, de malentendus, de coups du sort.
Tu étais de ceux qui se cachaient derrière des silences ou -comme toi- derrière trop de mots.
Chacun, parmi nous a un jardin secret et parfois ce jardin est une jungle.
Autrefois, il était de tradition – maintenant oubliée- de graver sur la tombe d’un compagnon ses dates de naissance, de décès et, entre les deux, celle de son arrivée à Emmaüs.
L’Abbé Pierre l’avait voulu ainsi pour marquer la rupture avec le passé et l’accès à une nouvelle vie.
Roger,
Ta vie d’avant, elle fut sans doute, comme tant des nôtres, bien chaotique.
Tu nous en lâchais parfois quelques bribes.
Vérités? Inventions ?
Qu’importe, après tout.
L’essentiel était dans le présent, dans ce que tu partageais ou refusais de partager avec nous.
Avec toi, rien ne fut simple.
Tu as fait, d’engueulades en révoltes, d’accrochages en rebuffades, le tour de France des communautés…le tour des châteaux de famille disait l’Abbé Pierre.
Soupe au lait, gueulard, imprévisible
Le matin gentil, attentionné, serviable
L’après midi, buté, râleur, destructeur
Et c’était PSG comme disent encore certains compagnons.
PSG pour Pécule, Sac et Gare.
Pour toi, c’était d’ailleurs plutôt Allocation Voiture Ailleurs
Là encore tu dénotais
Comme tu dénotais parmi les rouleurs de tabac gris en t’affichant avec un gros cigare aux lèvres.
Était-ce pour te donner des airs de Che Guévara ?
Peut-être.
Tu étais, sinon un révolutionnaire, du moins un rebelle, un cabochard,,, souvent le pied sur la ligne jaune, en butte, quand ta mauvaise humeur en avait décidé ainsi, au règlement et à l’autorité.
En tant qu’ancien responsable je peux en témoigner.
Mais , et je le redis, grande gueule et grand cœur
Car tu savais aussi être là quand on avait besoin de toi.
Cela t’était d’autant plus facile que tu avais, entre les mains, un vrai savoir faire.
Tu bricolais, réparais, t’adaptais aux besoins de la communauté. Tu répondais présent, savais rendre service quand on te le demandait.
Combien de fois avons nous fermé la menuiserie à ton départ et l’avons rouverte à ton retour ?
Tu étais ainsi passant de l’ombre à la lumière. Un jour battant, un jour battu. Un jour enthousiaste, un jour plein de ressentiment. Un jour ici, un jour ailleurs.
De cette lumière dont tu étais capable, j’ai souvenance d’un moment qui me reste cher.
Après quinze ans passé à Toulouse, j’étais revenu à Magny-cours.
La communauté allait mal ….sur le plan matériel mais surtout sur le plan humain .
Je me posais beaucoup de questions.
Tu as été alors un des premiers compagnons que j’ai accueillis.
Quelques jours après ton arrivée, une journaliste a souhaité faire un reportage sur la communauté.
Ce qu’on avait à lui présenter ne méritait certainement pas les éloges de la presse.
Mais tu t’es occupé d’elle, lui as fait visité les lieux, parlé de la vie au sein du groupe…Et le lendemain, le Journal du Centre titrait « Je suis fier d’être compagnon » avec ta photo en dessous de ce beau titre.
Ce fut pour moi, en ce moment très difficile, le plus bel encouragement à continuer, à m’accrocher et à faire que chacun dans cette communauté puisse dire un jour ou l’autre : « Je suis fier d’être compagnon »
Quelques jours plus tard, pourtant, tu étais parti… sur un coup de sang ou un coup de gueule.
Tu étais ainsi et même si tu t’étais un peu calmé durant ces dernières années et que ta route se réduisait à des allers-retours entre Fougères et Nevers, tu gardais ce caractère imprévisible.
De Fougères tu m’appelais de temps à autres ; La dernière fois tu m’as dit : « Cette fois c’est sûr, je reste là. Je m’y sens si bien » Une semaine après tu étais à Magny-Cours.
Roger,
Depuis quelques jours il s’est fait un grand silence .
Pour le meubler et en souvenir de ces instants passés près de toi à la menuiserie quand tout en travaillant tu écoutais des chansons françaises, en souvenir de ces heures ou le mot compagnon ne signifiait pas seulement partager le pain mais voulait dire aussi partager des moments de vie, j’ai voulu t’offrir une chanson de Jacques Brel.
Une simple chanson qui parle d’ amitié
D’une amitié que la mort ne brise pas
Mais, au contraire, prolonge.
Une simple chanson
Pour te dire tout aussi simplement :
Et déjà tu t’en vas
Et déjà tu nous manques.
Suit « JOJO » de Jacques Brel
pour
« …noyer de pudeur mes pauvres lieux communs »